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mardi 5 décembre 2017
Patrice Guinard sur Nostradamus, vu par Jacques Halbronn
Le délire apologétique de Patrice Guinard à propos de Nostradamus
par Jacques Halbronn
il y a deux ans, Patrice Guinard publiait (chez Books on Demand) deux ouvrages, assez indigestes,
"Nostradamus occultiste Codes et procédés de Chiffrement dans l'œuvre de Nostradamus" et
"Nostradamus traducteur: Horapollon et Galien"
L'auteur poursuit cette gageure de démontrer que la succession des éditions des Centuries obéissait à un plan
numérique prédéterminé. Or, l'on sait à quel point les Centuries se sont développées de façon aléatoire notamment sous la Ligue.
L'auteur, par dessus le marché, nous explique que les dites Centuries avaient également prévu toutes sortes d'événements s'étalant jusqu'à nos jours et au delà, y compris la découverte de
planées depuis Uranus (1781) jusqu'à Pluton (1930), quatrains à l'appui. Rien n'aurait été laissé au hasard et Nostradamus serait l'unique auteur d'un tel ensemble.
On peut donc qualifier un tel travail d'apologétique par opposition à critique et en effet, on trouve là deux voies opposées -celle de Guinard et la nôtre- s'appliquant à un seul et même corpus.
Pour notre part, nous sommes passés depuis déjà quelque temps à d'autres corpus, à commencer par la Bible, excusez du peu, sur laquelle nous nous exerçons avec les mêmes méthodes que nous avons pratiquées sur les Centuries et bien entendu nous y avons rencontré le même genre de délire apologétique refus de reconnaitre les imitations, les contrefaçons, les interpolations, les antidatations et autres retouches. Tout serait, à suivre Monsieur Guinard, de Nostradamus tout comme tout le Pentateuque serait de Moïse!
Il est vrai qu'avant d'aborder le corpus Nostradamus, l'auteur s'était déjà illustré à propos de l'Astrologie, aux abords de l'An 2000 avec un "Manifeste" qui là encore ambitionnait de démontrer que tout ce que l'astrologie était devenu, au cours des siècles, faisait nécessairement sens. C'est là qu'il avait fait ses premières arme d'ardent avocat, probablement inspiré par une certaine philosophie de l'Histoire où l'on perçoit une tonalité hégélienne. Tout ce qui survient n'est que la conséquence inéluctable de ce qui a été engagé au commencement....
Rappelons quand même que pour notre part, Nostradamus n'est pas l'auteur des quatrains centuriques même si l'on peut admettre que certains de ses textes en prose ont pu être utilisés pour composer les dits quatrains. C'est dire que l'opération mise en quatrains lui aura totalement échappé!
Avec Guinard, évidemment, l'argument de l'anachronisme ne marche pas puisque l'on y part du postulat selon lequel l'auteur se projette à volonté dans le futur. Or, l'on sait que l'approche critique s'articule volontiers sur la mise en évidence d'un décalage dans le temps. Guinard se déclare donc par avance insensible aux effets d'une telle méthodologie! Quand nous signalons que tel quatrain a été retouché à l'occasion du sacre d'Henri IV à Reims, Guinard réplique que Nostradamus l'avait prévu,concluant que cela prouve bien justement quel grand prophéte il était! Il fait fléche de tout bois!
Quand on lui signale que tel quatrain a été ajouté, il répond que ce quatrain figurait déjà dans les éditions des années 1550 sans imaginer que les dites éditions antidatées aient pu avoir été composées non pas avant mais après l'évenement. On nous explique que tel ou tel quatrain "manque" dans les éditions parues sous la Ligue plutôt que de reconnaitre qu'il n'abait peut être même pas encore été composé à cette époque!Or, c'est précisément parce qu'on trouve déjà un tel quatrain dans des éditions censées parues du vivant de Nostradamus que celles-ci sont des contrefaçons. Dialogue de sourds!
Guinard feint d'ignorer la question iconographique, à savoir celle des vignettes des pages de titre. Or, il apparait que les vignettes utilisées pour les dites éditions 1555 et 1557 mais cela vaut aussi pour celle de la Paraphrase de Galien sont reprises de fausses éditions -pirates- parues du vivant de Nostradamus car déjà du temps de Nostradamus circulaient de fausses éditions et les faussaires sont tombés dans le piége en prenant pour argent comptant tout ce qui portait le nom de Nostradamus! Or, les vignettes des vrais almanachs différaient singulièrement de celles des faux almanachs (de Barbe Regnault, notamment).
Cela dit, la crédulité de Guinard a ses limites et il n'est pas assez fou pour chercher à légitimer les "sixains" alors même qu'on nous les présente, dans une épitre, comme ayant été extraits de la bibliothèque du défunt mentionnée dans son testament, si cher au dit Guinard et dont il tire un si admirable profit! Nous avons montré que ces sixains étaient l'œuvre d'un certain Morgard et d'ailleurs, il semble bien que les faussaires aient fait du Nostradamus en se servant d'imitations de Nostradamus ou plutôt de ce qu'ils croyaient être de sa plume. Car il nous semble assez clair que les quatrains (présages) des almanachs de Nostradamus n'étaient pas de lui mais de quelque versificateur à sa solde ou à la solide du libraire, réalisant les dits quatrains en compilant des passages en prose du dit Nostradamus!En effet, dans les années 1570 va paraitre toute une littérature pseudo-nostradamique mais qui ne se présente pas encore sous la forme de "centuries".(on pense à Colony entre autres), on est dans un temps pré-centurique!
Au fond, Guinard ne se contente-t-il pas de suivre pas à pas l'exemple de bibliographes comme Chomarat, Benazra ou Ruzo qui s'en tiennent sagement aux dates indiquées sur les pages de titre des diverses éditions.?. Ca c'est du sérieux, du solide!.C'est écrit noir sur blanc! Evidemment, il faudrait expliquer pourquoi aucune édition des Centuries n'aura été conservée entre 1568 et 1588, à en croire les relevés de nos bibliograpghes et pourquoi à partir de 1588, l'on voit se succéder une ribambelle d'éditions avec un nombre de quatrains qui augmente d'une année sur l'autre mais qui ne parvient à 10 centuries qu'au cours de la décennie suivante. Est ce que c'est la Ligue qui tourne autour des centuries ou les centuries autour de la Ligue? Grave question "copernicienne"!
Tout semble indiquer, en vérité , que Michel de Nostredame aura été instrumentalisé! Cet astrologue assez besogneux - mais respecté, aura été transfiguré par les deux camps en présence, le premier volet des Centuries étant le fait de tenants de la Ligue et le second, l'oeuvre de tenants du parti de Navarre, chaque volet ayant droit à une épitre en prose, introductive dont Guinard ne veut à aucun moment douter qu'elles soient de la plume de Nostradamus alors même que l'on connait une épitre à Henri II parue en tête des Présages merveilleux pour 1557 (cf nos Documents Inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Feyzin, Ed Ramkat, 2002) qu aura servi de modèle et de prétexte à celle qui ouvre les Centuries VIII-X laquelle oublie de se référer à la précédente missive:! Voilà donc notre laborieux astrophile qui n'exprime rien sans se référer à une configuration astrale, à une date précse, transformé en prophéte dont les quatrains, à de rares exceptions près, n'ont guère cure de fournir la moindre date.
Et que dire d'ailleurs de la composition des dits quatrains quand on sait, du fait des observations de Chantal Liaroutzos, que certains furent carrément recopiés d'un guide de voyage de Charles Estienne? On voit là nos faussaires, sommés de produire une certaine quantité de quatrains, aller piocher ici et là leur matière! Imagine-t-on Michel de Nostredame recourir à de tels procédés de plagiaire à la petite semaine et qui à vrai dire ne songeaient pas que l'on étudierait à la loupe leur production des siècles plus tard, soucieux qu'ils étaient d'effets immédiats sur l'opinion.Rt la chance leur sourira quand dans un tel guide, ils reprendront le nom de Varennes (en Bretagne et non en Argonne,dans la source),auquel un Georges Dumézil fera un sort. La plupart des quatrains ainsi composés n'étaient que du remplissage, servant d'arrière plan pour mettre en valeur quelques formules bien senties de circonstance.
Certes, au delà d'un certain seuil, il ne s'agira plus de fabriquer, de rajouter ou de retoucher des quatrains. On passera alors au stade de l'interprétation, du commentaire et de la traduction (car les Centuries seront traduites en nombre de langues), ce qui permettrait d'autres manœuvres. Cela débuta avec le Janus François de Jean Aimé de Chavigny (1594) en version bilingue français-latin et l'on observe les libertés que celui-ci s'autorise dans son passage d'une langue à l'autre.
C'est dire à quel point, même si l'on s'en tient au second XVIe siècle, l'on est en face d'une œuvre collective, imposante- tel un travail d'orfèvre- et qui doit être reconnue comme telle en tant que chronique de la France, laquelle chronique rayonnera bien au delà des frontières linguistiques et politiques.
Le paradowe, c'est que plus ces apologéte apportent des arguments, et plus ils contribuent à démontrr qu'il s'agit de textes rédigés post eventum. On peut certes nous expliquer que Nostradamus avait annoncé la Ligue mais tout aussi bien en déduire que certains textes ont été rédigés sous la dite Ligue.. De même, si Guinard parvenait à prouver que les états successifs des éditions des Centuries avaient été déterminés dans son testament, l'on en arriverait à penser très sérieusement que le dit testament aura été rédigé ou en tout cas "complété" à la suite des diverses éditions s"étallant sur nombre de décennies. On en arrive ainsi de fil en aiguille à valider des éditions antidatées censées parues du vivant de Nostradamus et qui comportent en effet toutes les additions qui ont pu se succéder tout au long du second seiiéme siècle.
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JHB
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