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samedi 11 novembre 2017

Dominique Lamari (alter écho) : la trilogie Agitateurs, antennes, gardiens

DOMINIQUE LAMARI : « Le tri dans son héritage familial permet le dépassement de bien des problèmes » Article paru dans Le Mauricien | 17 January, 2013 - 20:00 https://www.alterecho.org Psychothérapeute et formatrice française depuis plus de vingt ans, Dominique Lamari, qui anime des séminaires à Maurice chaque deux ans, en donnera un nouveau du 18 au 20 janvier à Flic-en-Flac sur le thème de l’héritage familial (pour participer, appeler au 259 53 07/670 77 34). Elle a en outre animé une conférence hier à Forest-Side, organisée par l’École Mauricienne du Bien-Être. Dans cette interview, l’auteur de Le tri dans l’héritage familial et la colline aux aïeux partage le fait que nombreux sont ceux qui rejettent une partie de leurs racines généalogiques. Or, dit-elle, « vous pouvez bien être faits de la même pâte mais vous n’êtes pas obligé de prendre la même forme ». Et d’ajouter : « Si on reprend cette pâte pour donner sa forme à soi, on en a même bien besoin pour se tenir debout. L’arbre a besoin de toutes ses racines ». Mme Lamari, vous êtes thérapeute familiale, formée en systémie, gestalt, hypnose ericksonienne et PNL. Pouvez-vous d’abord nous éclairer un peu plus sur ces termes ? La systémie implique principalement des thérapies familiales mais elle permet aussi de travailler sur des groupes de travail en institution, en entreprise… La gestalt, c’est notre relation au monde : comment on fait pour être en rapport avec le monde. L’hypnose ericksonienne, c’est l’hypnose de Milton Erickson, le père des thérapies sous hypnose. Et la PNL (Programmation neuro-linguistique), c’est tout ce qui est de l’ordre des petites programmations que la vie nous a données. Neuro, parce que cela s’exprime par le neurologique et linguistique, parce que cela s’exprime aussi par le langage (verbal et non verbal). Cela s’intéresse à comment font les hommes quand ils se sentent des problèmes : leurs méthodes, leurs stratégies, leurs croyances du quotidien… Jusqu’avant la PNL, la psychologie s’intéressait aux origines des problèmes. Quand la PNL est arrivée, c’était comment on fait pour sortir des problèmes. Qu’est-ce qui explique votre venue à Maurice pour une conférence sur l’héritage familial ? Est-ce votre première conférence à Maurice ? Cela fait une quinzaine d’années que j’organise des séminaires chaque deux ans environ à Maurice et cela fait 25 ans que je connais l’île. En fait, j’ai toujours été passionnée par l’interculturel. Donc, à ce sujet, Maurice répondait bien à mes attentes. Ce qui m’intéressait, avant de venir à Maurice, c’était d’emmener des personnes françaises dans un contexte étranger en travaillant aussi avec les gens des pays où j’allais. Donc, je me retrouvais toujours avec des groupes à cultures mixtes. Cette fois, je suis venue animer un séminaire, qui se tiendra ce week-end à Flic-en-Flac. Par ailleurs, la directrice de l’École mauricienne du Bien-Être, Ariane Tursan d’Espaignet, m’a demandé si je pouvais animer une conférence ce soir (ndlr : mardi). Le séminaire aura la même thématique que la conférence : le tri dans l’héritage familial. En fait, c’est un séminaire sur un modèle que j’ai créé : un modèle, au départ, à partir de trois écoles principales. L’une est la systémie avec les thérapies familiales. La deuxième est la PNL qui est pas mal implantée à Maurice. Troisièmement, dans les années 1992/1993 – j’étais dès lors déjà venue à Maurice – je me suis intéressée à l’hypnose ericksonienne. J’ai ensuite fait beaucoup de groupes. Dans les phénomènes de groupe, je me suis aperçue de choses qui n’avaient jamais été repérées et qui parlaient d’une scission naturelle entre trois groupes de façon systématique. Comme si chacun de ces groupes avait une mission particulière par rapport à un ensemble de systèmes. Et c’est là que mon modèle est né. Le premier groupe était comme l’antenne du système général. Ces personnes étaient comme là pour ressentir l’ambiance générale et éventuellement les problèmes qui pouvaient exister dans ce système et les mettre en scène d’une façon caricaturale. Au fil de ces travaux de groupe, on a pu aboutir à la vérification qu’il y a bien un groupe d’antenne – des personnes que j’ai nommées des “antennes” qui étaient toujours là et qui se manifestaient toujours en premier pour dire si ça va ou pas. Si tout va bien, ce sont elles qui paraissent les plus enjouées. Si ça ne va pas, elles vont se replier sur elles, voire montrer une certaine agressivité. C’est comme si elles pouvaient capter ce qui peut y avoir comme bien-être ou problématique dans ce groupe. Le deuxième groupe comprend des personnes qui sont tournées vers les antennes et qui sont prêtes à agiter le monde entier pourvu qu’elles trouvent des solutions à ce qui semble déranger les “antennes”. C’est un groupe un peu sauveur et j’ai appelé ses membres les “agitateurs”, dans le bon sens du terme, parce qu’en fait, ils sont prêts à agiter le monde entier pour trouver des solutions. Les agitateurs sont plutôt curieux de nature alors que les antennes sont plutôt intuitives, artistes. Les agitateurs sont toujours prêts à la découverte et à aider autrui. Ce sont plutôt des psys, des journalistes, des instituteurs… Il y avait ensuite un troisième groupe, qui comprenait ceux qui étaient souvent un peu à l’écart, qui attendaient que le coup de feu soit passé pour se manifester. Ils semblaient peu impliqués dans ce que les autres étaient en train de gérer. Mais, dès que les problèmes commençaient à tomber, ils se manifestaient comme pour transmettre toutes les bonnes choses qu’on leur avait apprises dans leur famille, dans leurs études, leurs expériences de vie ; comme s’ils étaient les gardiens de toutes les ressources et de toutes les expériences positives. Donc, je les ai appelés les “gardiens”. Ce sont des champions pour s’en sortir envers et contre tout quand une catastrophe est mise en place. Ce sont des grands bâtisseurs et ils ont beaucoup de choses à offrir… si on les sollicite. Parce qu’ils ne vont pas forcément se manifester pour apporter de l’aide, mais si on vient les chercher, ce sont des gens plutôt forts et qui ont beaucoup à partager. Concrètement, comment mettre en pratique votre modèle ? Je dis toujours que si vous avez un souci, c’est que vous êtes écroulé. Vous téléphonez à votre meilleure amie et c’est une “antenne”. Elle va pleurer sur votre épaule. C’est la compassion totale. Les “antennes” ont une facilité à se synchroniser sur ce qui se passe qui est absolument incroyable. Vous téléphonez à votre meilleure amie qui est une “agitatrice”. Elle a moins de compassion. En revanche, elle peut vous écouter deux à trois heures, même en pleine nuit, vous chercher mille conseils, vous donner mille explications du pourquoi du comment vous en êtes là, vous trouver toutes les personnes à contacter pour vous en sortir et vous tracer le chemin. Et, vous téléphonez à votre meilleure amie qui est “gardienne”, et elle vous dit « laisse tomber toutes ces bêtises ! On va faire la fête ce soir, tu penses à cela demain ». Les gardiens sont tournés vers le concret mais ils sont beaucoup moins intéressés par le pourquoi du comment. Donc, à l’origine de mon modèle, il y avait quelques observations. Ensuite, en détaillant les compétences des uns et des autres, dans les groupes, j’ai cherché comment créer une reliance entre ces trois groupes et savoir utiliser les compétences des uns et des autres. Comme si on pouvait faire un partage des compétences et avec ce partage, créer un pot commun de ressources, utilisable par chacun. Parallèlement à ce travail avec ces groupes, je m’apercevais qu’en fait on possédait tous ces trois parties. Et, que donc, il y avait en nous une “antenne”, un “agitateur” et un “gardien” qui sommeillaient. Chaque partie était utilisée en fonction du contexte. Le problème, c’était quand on se figeait sur une partie. Donc, très vite, j’ai mis cela en application en individuel. Concrètement, aujourd’hui, en individuel, je propose aux personnes de repérer ces trois parties en elles et de faire un travail d’équilibrage et de contextualisation. Savoir utiliser la partie qu’il faut quand il faut. J’ai créé donc pas mal d’outils en utilisant l’hypnose ericksonienne entre autres pour aider les personnes à être dans cette congruence entre les trois parties. Parmi ces outils, il y a la danse des parties, comme si on apprenait à danser avec les trois parties de soi, à se dire, sur une problématique par exemple, qu’est-ce que j’en ressens comme “antenne”, quelles sont les solutions que je peux imaginer en tant qu’“agitateur” et comment je vais avancer dans la vie en tant que “gardien”. Et, ensuite faire une sorte de danse dans sa tête pour intégrer ces trois parties. Une sorte de tourbillon qui va créer une congruence et empêcher de se figer sur une seule. J’ai créé aussi un outil qui s’appelle la colline aux aïeux qui se retrouve dans le titre de mon ouvrage Le tri dans l’héritage familial et la colline aux aïeux (Éditions Dédicaces). C’est une métaphore géante du tri dans son héritage familial et qui permet le dépassement de bien des problèmes. C’était le tout début. J’ai continué et tout un tas d’outils bien spécifiques liés à chaque catégorie de problématique a pu naître et depuis quelques années, j’enseigne mon modèle : le modèle THF (Tri Héritage Familial). L’héritage familial est l’une de vos spécialités ? C’est ma spécialité mais je travaille aussi beaucoup autour des traumatismes, des croyances limitantes, des phobies… Vous avez animé plusieurs séminaires à Maurice. Y a-t-il un problème particulier au pays par rapport à la question de l’héritage familial ? Non, ce qui est formidable, c’est que, quel que soit le pays où je passe (Québec, Tunisie, Maroc, Algérie, France, Maurice), on retrouve toujours les mêmes choses. Cela peut prendre des formes différentes. Par exemple, au Maghreb, on travaillait sur les relations avec les parents et la relation entre mère/fils là-bas, c’est quelque chose de chaud… Quelqu’un m’a dit : « Tu comprends : ma mère, c’est ma prunelle dans mes yeux ! » Mais, sur la base, les problématiques sont identiques. Quelle est la pertinence de cette thématique de l’héritage familial dans la vie des gens aujourd’hui ? Y a-t-il une importance accrue d’en parler aujourd’hui puisqu’on parle de perte de valeurs familiales… Je ne crois pas que les valeurs familiales se perdent ou alors elles se sont un peu perdues mais les gens sont en recherche d’autres formes de valeurs. Par exemple, on réinvente les rituels pour remplacer les anciens rituels. Le PACS en France pour remplacer le mariage. Cela a eu son temps chaud et aujourd’hui, on voit une recrudescence du mariage. C’est comme si c’était pouvoir faire appel à ce qu’il y a de plus profond en soi au niveau de la construction humaine et savoir mieux s’en servir. Au-delà des comportements quotidiens, apprendre à débusquer ce qui est de nos capacités réelles : en quoi ça parle de nos valeurs, de notre identité profonde, en quoi ça parle de la mission dans laquelle on peut se sentir investi, une mission familiale ou sociale, en quoi ça peut parler de notre spiritualité au sens large du terme. Ce sont tous ces niveaux qui aujourd’hui correspondent à une demande de société. Notez-vous une plus grande demande aujourd’hui de cette quête identitaire ? Cela fait 25 ans que je travaille et je constate une évolution. Il y a 25 ans, les gens venaient pour des problèmes de comportement. Aujourd’hui, ils viennent plus pour des problèmes identitaires et spirituels. Qu’est-ce que je fais sur cette terre ? Comment ça marche ? Quelles traces je vais laisser ? En quoi ma vie aura été utile ? Alors qu’autrefois, c’était : « Empêchez-moi de taper sur mon voisin ». Utiliser une communication différente avec ses proches, c’est ce que vous proposez également. Quels sont ces outils de communication ? Si vous avez en face de vous quelqu’un qui est très “antenne”, il faut lui parler avec un discours d’“antenne”. Les “antennes” sont des gens qui sont sur leurs sensations. Il faut leur demander ce qu’ils ressentent et comment ils les expriment. Ils vont alors vous donner le code par rapport à leur comportement et par rapport à leur ressenti profond. Si vous parlez à un “agitateur” de cette façon, il ne va pas comprendre. Mais, si vous lui demandez ce qu’il en pense, la personne va tout de suite se sentir branchée sur quelque chose qui est important pour elle et va fournir plein d’explications. Si vous avez affaire à quelqu’un qui est “gardien” et que vous lui demandez ce qu’il en pense ou ressent, il n’en a rien à faire. En revanche, si vous lui demandez ce qu’il va faire avec ces données-là, il peut tout de suite vous construire un plan d’action vers l’efficacité. Donc, il s’agit d’un discours adapté. Imaginons que dans un couple, on a une dame très “antenne” et un monsieur très “gardien”. J’en ai vu plein… Mme pleure, ne se sent pas comprise et elle passe son temps à expliquer à son mari… et son mari qui lui fait : « Pfff, tu ne crois pas qu’on ferait mieux d’aller faire les courses ! » Il est axé sur l’action. Par contre, les explications de sa femme, il n’en a rien à faire… et c’est très courant. Les hommes sont missionnés pour être des gardiens. C’est structurellement important pour notre société. Les hommes au départ, si on reprend M. et Mme Cro-Magnon, c’est Monsieur qui était là pour assurer la survie de l’espèce. Il fallait qu’il soit efficace pour ramener à manger et protéger sa femelle et ses petits et il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort sinon il se faisait bouffer par le premier qui passait. Il y a donc quelque chose de très basique qui reste en chacun de nous. Et, Madame était là plus pour s’occuper des petits, de la caverne et pas trop mettre son nez dehors parce qu’elle était plus là pour utiliser son ventre pour faire des petits. Elle avait beaucoup plus de temps aussi pour sentir ce qui se passait pour elle mais ne mettant pas son nez à l’extérieur, elle n’était pas confrontée à quelque chose qui était de l’ordre de l’hypervigilance que son homme était obligé d’avoir. Cela a donné des profils extrêmement différents. Si on essayait d’appliquer cela totalement aujourd’hui, les femmes me tomberaient dessus et elles auraient raison… Mais, ce que je veux dire, c’est qu’aujourd’hui, avec notre société, si on tient compte qu’on a tous au fond de nous un M. et une Mme Cro-Magnon, avec une évolution bien plus belle, cela fait que les femmes sont un peu plus “antennes” et “agitatrices” et les hommes plus “gardiens”. Mais, comment vont-ils apprendre à se comprendre au niveau du couple ? S’ils ne parlent pas du tout le même discours, cela ne va pas aller. Aujourd’hui, on a des hommes qui sont sortis du modèle Cro-Magnon et sont plus sur « je réfléchis sur la société » et des femmes qui vont faire plein de choses et c’est merveilleux. On arrive à un équilibre. Mais, quand une problématique surgit, il y a neuf fois sur dix cette petite tendance où Madame sera plus en lien avec ses émotions et Monsieur plus dans le « t’es bien mignonne avec tout cela, mais qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Si on n’en tient pas compte, ces dialogues de sourds deviennent très vite des incompréhensions majeures et des problèmes majeurs naissent. Donc, apprendre à communiquer à l’aide de cette typologie, cela peut aider. Nombre de femmes me disent : « Ah, ça y est, mon mari est “gardien”, je sais comment lui parler maintenant ». Ou « j’ai utilisé le vocabulaire que vous m’avez conseillé. Il m’a dit : “Mais, tout de suite, bien sûr !” ». Est-ce que vous rencontrez des psychothérapeutes à Maurice ? Est-ce qu’il y a de telles propositions de leur part aux Mauriciens ? Je ne vérifie pas sur le terrain mais je peux dire qu’il y a pas mal de psys et de personnes du milieu social qui ont participé à mes séminaires. De par les relations que j’ai pu garder avec certains, j’ai pu constater que leur travail va dans le sens de l’utilisation de tout cela. Votre livre “Le tri dans l’héritage familial et la colline aux aïeux” est-il disponible à Maurice ? Il faut commander sur internet. Le livre est l’histoire d’un travail de groupe entre Français et Mauriciens qui s’est déroulé à Maurice, à Flic-en-Flac… Qu’est-ce qui représente souvent des obstacles dans les familles ? Il y a souvent des petites croyances qui traînent dans les familles et des mythes qui viennent polluer l’ensemble. Ce sont ces grandes histoires familiales – positives ou négatives – et qui sont toujours présentes plusieurs générations après. On sait qu’il y a eu un tonton d’Amérique qui a fait fortune, la grand-mère qui a enterré ses cinq maris… ce sont des histoires qui traînent mais ça reste dans la tête des gens. Et, parfois, c’est incroyable comment les gens les remettent en scène sans le savoir. Il y a aussi des secrets de famille… Vous suggérez dans l’introduction à votre conférence de « trier le meilleur en étant dans la bonne distance avec le moins bon »… Qu’est-ce qui est bon et qu’est-ce qu’on doit mettre à distance ? Ce qui est bon, c’est tout ce qui existe dans la famille. En fait, tout est utilisable si on imagine que c’est simplement quelque chose qui ne va tenir ni aux qualités ni aux défauts mais à de l’identitaire. Par exemple : je suis une rêveuse depuis toujours. Si je l’utilise mal, je deviendrai une fainéante, si je l’utilise bien, je serai une rêveuse constructrice, pouvant créer, écrire… Faire du tri, c’est prendre cette personnalité d’une grand-mère ou d’un grand-père en disant : « Il s’en est servi de cette façon et moi, je ne veux pas hériter de cette grand-mère parce que j’ai peur de m’en servir de la même façon ». Faire du tri, c’est je reprends la base mais je m’en sers à ma façon. Très souvent, je m’aperçois qu’une personne qui a un problème, elle a une ressource qui lui manque. Et, cette ressource, très souvent, a été utilisée en défaut par quelqu’un de ses aïeux. Comme si la personne avait coupé avec le lien, et donc avec la ressource. Faire du tri, c’est reconstruire le lien mais en triant la mauvaise utilisation pour inventer la bonne à partir de la même base. Je dis souvent : « Vous pouvez bien être faits de la même pâte mais vous n’êtes pas obligé de prendre la même forme ». Un grand classique : les gens arrivent et construisent leur arbre généalogique et ne me parlent que d’une partie, maternelle ou paternelle, de celui-ci. Je leur dis : « C’est comme si vous étiez un arbre et que vous me disiez que la moitié de vos racines n’existaient pas ». Ce n’est pas possible. Ensuite, ces personnes s’aperçoivent que c’est justement dans cette branche qu’il y a des ressources qui manquaient dans leur vie. Elles se disaient : « Je ne veux pas de cette forme, donc je jette la pâte ». Mais, si on reprend cette pâte pour donner sa forme à soi, on en a même bien besoin pour se tenir debout. L’arbre a besoin de toutes ses racines. Quid alors des enfants adoptés ? J’ai fait un travail avec les enfants adoptés parce qu’ils ont leur famille construite et connue et puis ils ont leur famille qu’ils ne connaissent pas mais ils ont quand même une famille imaginaire. Dernièrement, je recevais un jeune d’origine brésilienne qui a été adopté par une famille française. Il était très révolté. Il est très beau et je lui disais : « T’as des origines autres que françaises, quelles sont-elles ? » Les éducateurs m’avaient dit de ne pas le titiller dessus mais je me suis dit on verra bien ce qui se passe. Il m’a regardé et m’a dit : « Je ne veux pas en parler mais je suis d’origine brésilienne ». Je lui ai dit : « Tu sais, tout ce que tu as de brésilien en toi est peut-être très beau et tu ne connais pas et tu essaies de n’être que Français, tu te limites ». Je l’ai pris un peu par le charme en disant : « T’as vu la belle tête que t’as. Quand tu passes dans la rue, tu dois faire tomber toutes les filles… Tu crois que si t’étais que Français, tu aurais autant de succès avec les filles ? Alors, peut-être qu’on pourrait parler des gens qui t’ont fabriqué cette belle tête… ? » On a pu parler un peu de sa famille brésilienne et en fait c’était un jeune qui était blessé, convaincu que sa mère était une prostituée. Il s’est fait un roman dans sa tête, qu’elle l’avait largué dans une poubelle. Il n’y a jamais rien eu sur le fait qu’il aurait été largué dans une poubelle. Il savait qu’il avait sept frères et sœurs et il savait que sa mère avait 27 ans quand il est né. Je lui ai dit : « Ta maman ne pouvait pas être une prostituée si à 27 ans elle avait sept enfants parce qu’elle n’aurait pas pu faire son métier si elle avait été tout le temps enceinte. Tu vas rayer cela de ta vie et tu vas partir d’un autre réel ». Le gamin est reparti extrêmement détendu et il m’a dit dans son langage d’ado : « Tu me fais bien chier mais je crois que je reviendrai quand même